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Saint Jérôme

Anonyme

1475-1480

Des très nombreuses représentations auxquelles la vénération pour saint Jérôme donne naissance au cours des deux derniers siècles du Moyen Age, celle-ci est I ‘une des plus attachantes par la force et l'intériorité que dégage cette belle figure de vieillard. Le front haut les arcades sourcilières proéminentes et le regard baissé traduisent très justement la profondeur de la réflexion, tandis que les membres vigoureux indiquent que l’activité du personnage ne fut pas qu'intellectuelle. 

Iconographiquement cette image offre l'intérêt de conjuguer stéréotype, tradition locale, et adhésion à une évolution récente. Sont devenus obligatoires, depuis plusieurs générations, le paysage de roches arides même si, dans la réalité, Jérôme n'avait qu'une trentaine d'années lorsqu'il connut l'expérience du désert et les attributs du saint, livre (allusion à la Bible qu'il a traduite comme aussi à ses nombreux écrits), lion qu'il aurait soigné (épisode légendaire qui n'apparaît pas dans les premières biographies), et le chapeau de cardinal (dignité anachronique qui traduirait, de la part de ses fidèles, un désir d'ascension dans la hiérarchie des quatre docteurs de I'Eglise). 
Moins commune, la maquette d'église qu'il porte ici sur le bras droit renvoie à une région bien précise ; on la trouve surtout en Vénétie, et dans les proches contrées, vallée du Pô à l'est, façade adriatique au sud. Vers 1370, les deux plus anciennes peintures montrant ce détail le juxtaposent à une inscription sur le livre ouvert, Doctor et ecclesie firma cholonna fuit : ainsi cette église miniature ferait allusion au rôle de Jérôme "colonne de l’Eglise" dans la défense de l'orthodoxie et dans I ‘interprétation de l'Ecriture. 

On peut aussi songer à un renforcement iconographique issu d'un glissement Onomastique : de même que par paronymie l'épisode de l'épine ôtée de la patte du lion avait été emprunté à la vie du saint anachorète Gérasime, de même jouant sur l'homonymie a-t-on pu prêter au docteur le trait distinctif du saint Jérôme évêque de Nevers, inlassable bâtisseur. Plus simplement, au moment où divers ordres nouveaux se réclamant de Jérôme se développent Frères Ermites de saint Jérôme dans les Marches, puis sur la côte adriatique à Rimini et Venise, jésuates dans la plaine du Pô, puis hiéronymites reconnus par la papauté en 1443 - l’attribut de l'église a sans doute voulu montrer le saint comme fondateur d'établissements religieux. Enfin, la robe simple et courte que porte Jérôme sur ce panneau, est celle qu'il revêt sur les nouvelles images de la seconde moitié du XVème siècle, mettant l'accent sur sa pénitence.

Dans le traitement de ces éléments imposés le peintre sait s'adapter au goût du jour faire preuve d'une certaine originalité : la façade de l'église est rhabillée « à l'antique », et Polychromée, le chapeau rouge, posé debout sur la tranche, décrit une ellipse parfaite, et ses cordons trainant sur le sol participent au sentiment de la troisième dimension. 

L'effet de profondeur est également traduit par l'étagement en gradins de blocs de rochers aux formes géométriques ; sur la droite, certains forment une arche au travers de laquelle est vu le paysage, procédé qu'emploie à plusieurs reprises Mantegna.

Sans doute les deux peintres sont-ils contemporains, du moins pendant la première partie de la carrière de Mantegna ; par le dessin du visage et le tracé des plis, l'auteur du panneau Puech appartient à une génération antérieure.

Plus âgé, il est cependant capable d'assimiler les nouveautés : I ‘évasement de la silhouette de saint Jérôme, que marquent la puissance des membres inférieurs, la forme trapézoïdale de la robe, le léger renvoi en arrière du buste et l'étroitesse des épaules, suggère que le peintre avait vu et peut-être pratiqué lui-même pour des commanditaires plus à la page- les compositions juchant sur des estrades de plus en plus levées les membres des conversations sacrées.

Marie-Claude Léonelli 
Directeur du Centre de recherche du Petit-Palais

Présentation de l'œuvre

Artiste
Anonyme
Date

1475-1480

Lieu

Italie, région de l'Adriatique

Siècle
XVe siècle

Caractéristiques

Matières

Peinture sur bois 

H. 1,021:L. 0,505

Données spécifiques

Numéro d'inventaire

23538

Musée d'accueil
Musée du Petit Palais
Provenance

Donation Marcel Puech à l'Institut Calvet

Bibliographie et expositions

Bibliographie

Marcel Puech. Une vie, un don. Chefs-d'oeuvre de la donation Marcel Puech
Foissy-Aufrère, Marie-Paule. Avignon, 1995

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